Très peu de changements cette semaine.
Aucun des fronts n’a connu d’avancée significative : rien vers Kherson ni Zaporjia. Vers Donetsk, poussée russe du côté de Marinka. Au sud de Bakhmout, les Russes tenteraient de progresser vers le coteau au sud-ouest de la ville, sans avancée notable. La ville elle-même est copieusement bombardée.
Front de Svatove : les Ukrainiens ne semblent plus pousser significativement. Stabilité des lignes.
Les salves de missiles et de drones se sont abattues en début de semaine sur l’ensemble du territoire ukrainien, provoquant plusieurs coupures d’électricité.
Appréciation militaire : La météorologie joue un rôle évident : les images qui nous parviennent montrent des tranchées inondées et de la boue omniprésente, mais aussi le froid. Les combattants des deux côtés subissent des conditions effroyables, aggravées par la pluie de munitions qui tombent du ciel. Ces conditions dantesques entravent toute action combinée, toute manœuvre cohérente. Seule l’artillerie parle.
La semaine dernière, je rendais compte des déclarations d’une député ukrainienne notant la déficience en munitions de 152 mm. Cédric Mas signale que la société d’armement publique Ukroboronprom en aurait repris la production. Si cela était confirmé, cela permettrait à Kiev d’approvisionner une partie de ses besoins (on parle cependant d’une consommation de 7.000 obus par jour).
Toujours sur cette question des munitions, il semble que les Russes aient tirés de vieux missiles qui autrefois portaient des charges nucléaires : signe là encore de l’épuisement des stocks ? On le voit, la dimension industrielle de cette guerre prend le pas sur les autres.
La stabilisation des fronts militaires conduit l’affrontement à se déplacer ailleurs. Ainsi, la campagne russe de frappes dans la profondeur. Elle vise des infrastructures mais aussi des cibles civiles. Le but consiste à désorganiser en profondeur le pays. La question de l’électricité est centrale. Les Russes cherchent d’abord à désorganiser le système opérationnel ukrainien (aspect militaire) mais aussi à faire pression sur la population. Cette stratégie de terreur (il n’y a pas d’autre mot) reprend une pratique que l’on a malheureusement vue à travers les siècles. Or, les guerres du XXe siècle montrent que cette stratégie échoue systématiquement. Les populations ne font jamais pression sur leur gouvernement pour qu’il arrête la guerre mais au contraire, démontrent une résilience aiguë qui construit de la cohésion nationale. Du blitz sur Londres au bombardement de Dresde, les exemples abondent.
Appréciation politique : Rien de notable cette semaine. L’attention de l’opinion publique internationale est tournée vers la coupe du monde de football, accessoirement vers les manifestations en Iran ou en Chine.
Notons cependant que Vladimir Poutine, qui n’a pas été au G20, a essuyé des rebuffades au récent sommet de l’OTSC : pour mémoire, l’Organisation du traité de la sécurité collective réunit les habituels affidés du Kremlin qui appartiennent à l’étranger proche. Or, les Arméniens ont manifesté leur mécontentement envers Moscou pour ne pas réussir à stopper les actions de l’Azerbaïdjan. Les Etats d’Asie centrale ont également démontré leur mauvaise humeur. Même Loukachenko, le dirigeant biélorusse, garde ses distances. Ainsi, l’étoile de la Russie a fortement pâli dans cette guerre.
Cette semaine, on entendait pour la première fois depuis le début du conflit des échos de rumeurs au sein du système politique russe qui suggèrent le mécontentement d’une partie des élites du régime.
Cela est nouveau et s’il faut faire attention à ne pas surinterpréter, il convient de garder un œil là-dessus. Bonne semaine.
OK